Nous avons ordonné et ordonnons que le Denier d'Or fin que nous faisons faire à présent et entendons à faire continuer sera appelé Franc d'Or »

Franc

Du b. lat. Franci, pluriel, lui-même emprunté à l'ancien bas francique*frank :
« membre des peuplades germaniques qui, à la veille des grandes invasions, occupaient les rives du Rhin et la région maritime de la Belgique et de la Hollande » (Bossuet, Discours sur l'histoire universelle)

Un franc, c'était vingt sous. Le sou, c'était la plus petite pièce de monnaie, et cela jusqu'en 1947, année  où ils furent retirés de la circulation. Qu'importe, cela ne nous empêche pas aujourd'hui de toujours "compter nos sous" ... même en euros ! Et même pour certains encore en francs, nouveaux ou anciens.
 Le franc change de valeur en 1960. Au grand dam de l'enfant que j'étais et qui n'était plus riche  que de 3 F alors que la veille elle en comptait encore 300 ! D'un autre côté, je n'avais plus à en économiser que 2 pour  les échanger contre un beau billet de 5 alors qu'il m'en aurait fallu auparavant 200 !  Oui, mais mon billet aurait alors été de 500 ! De quoi en perdre son calcul ! 

Si je me fis rapidement à ces nouveaux francs, mes grands-parents, eux , convertirent encore longtemps les nouveaux en anciens francs. 
Et pour peu que certains de nos grands-pères et de nos grands-mères vivent encore, en voilà peut-être qui se réjouissent d'être  millionnaires avec sur leur compte épargne la très exacte somme de 1524,49 euros ! 

C'est aux Anglais que nous devons nos francs !

Petite histoire du roi des Anglais qui voulait devenir roi des Francs
Nous sommes en 1359. Depuis plus de vingt ans la guerre entre Français et Anglais fait rage. Édouard III, roi d'Angleterre, a fait prisonnier Jean II le Bon, roi de France. Il n'a plus qu'à se rendre à Paris pour s'y faire acclamer roi de France.
C'est du moins ce que pense l'Anglais. Car s'il débarque à Calais tout guilleret et sûr de lui le 28 octobre avec 15 000 combattants, il déchantera bien vite : Ni Reims, la ville du sacre, dont il fait le siège fin novembre, ni Paris, la capitale, ne lui ouvriront leurs portes.
Le temps passe, Édouard et ses troupes s'épuisent.  Les conditions climatiques sont très rudes, même en ce printemps de 1360 , où, un certain lundi, connu depuis sous le nom de lundi noir,  " un cyclone d'une violence exceptionnelle et comme on en voit bien peu en Ile-de France s'abat sur les hommes" et où " des grêlons plus gros que des œufs abattent des milliers de chevaux" .  La marche triomphale vers le trône de France tourne au désastre.

Les écus de la rançon

Édouard n'a plus qu'une envie , rentrer chez lui ! Mais pas sans ... le sou ! Il a une marchandise à vendre aux français : leur roi, toujours détenu à la Tour de Londres. Le traité Brétigny en fixe le prix de rachat, ou rançon :  trois millions payables en six annuités.
Rançon, du latin redemptere,  acheter de nouveau. Même mot que rédemption à la différence que la rançon rachète les corps, et la rédemption les âmes !
Les premiers écus arrivent à Calais où le roi a été mené, et il peut désormais s'acheminer vers Paris et y entrer solennellement le 13 décembre. Le peuple est en liesse ! 
Sans se rendre encore bien compte que c'est lui qui devra supporter le poids de ce rachat. Car si l'Anglais a laissé partir le Bon roi Jean, c'est pour qu'il trouve ... des sous ! Et les lui verse ...

Et voilà notre Franc !
Comme chacun le sait, Ancien ou Nouveau Régime,Monarchie ou République, quand il s'agit de trouver des sous, des francs ou des euros, pas de différence ! On fait preuve d'ingéniosité pour créer de nouveaux impôts, de nouvelles taxes. Ce que le Bon roi Jean fait aussitôt :  une taxe de douze deniers par livre sur la vente de toutes les marchandises. En outre, un droit d'un cinquième sur la vente du sel et d'un treizième sur celle du vin s'ajoutent à l'impôt général.

Nous avons ordonné et ordonnons que le Denier d'Or fin que nous faisons faire à présent et entendons à faire continuer sera appelé Franc d'Or »

Jean le Bon crée la nouvelle monnaie avec laquelle il paiera l'Anglais. C'est une pièce qui vaut un écu d'or, et qu'il baptise le Franc d'or. 
Pourquoi ce nom ? 
D'abord parce que cette monnaie rendait le roi franc de sa dette, l'affranchissait, donc.
Ensuite parce qu'elle portait l'inscription rex francorum ( roi des Francs). Un roi qui libre, dans toute sa majesté, représentée sur cette même pièce à cheval et brandissant son épée. Un roi conquérant, vainqueur et non vaincu, grâce à tous ces francs ! Un pied de nez à l'Anglais peut-être ?
Un peu plus tard une nouvelle pièce le représentant cette fois à pieds sera frappée. Pour les distinguer on nommera la première " franc à cheval" et la seconde " franc à pieds".

A pied ou à cheval, ancien ou nouveau, c'est bien à l'Anglais que notre monnaie doit

indirectement sa création. Rappelons que le mot franc est d'origine germanique ! France, Allemagne, Angleterre, pas étonnant qu'il ait porté en lui le germe de l'euro !  

Isamatelote

(Source historique: Histoire de la France et des Français, André Castelot et Alain Decaux, tome 2)