A vos souhaits
L'hiver 589–590, une épidémie de peste assurément bubonique, à laquelle s'ajouta la forme pulmonaire, se mit à faire à Rome de tels ravages que de là, viendrait, selon la Légende dorée,
l'expression Dieu vous bénisse : " Cette peste était si violente que les hommes mouraient subitement dans les chemins, à table, au jeu, dans les réunions, de sorte que s'il arrivait ,
comme on dit que quelqu'un éternuât souvent alors, il rendait l'âme. Aussi entendait-on quelqu'un éternuer, aussitôt on courait et on criait " Dieu vous bénisse" et c'est là, dit-on, l'origine de
cette coutume de dire " Dieu vous bénisse" à quelqu'un qui éternue."
Pierre Julien, d'après H;H. Mollaret et J. Brossolet, la procession de St Grégoire et la peste à Rome en l'an 590? In Medecine de France 1969, n° 199.
Il semblerait cependant que la coutume de saluer un éternuement est beaucoup plus ancienne que celle rapportée ici. Plus de deux siècles avant cette fameuse peste, Apulée dans l'Asne d'Or raconte l'histoire d'un malheureux amant que le retour d'un mari importun force à se cacher sous un panier et là y éprouve le besoin fréquent d'éternuer ; le mari, dans sa simplicité, croyant entendre sa femme, lui adresse à chaque fois le salut d'usage "solito sermone salutem" (consulter l'extrait de Théodore Jolimont, 1787-18..)
Dans l'Antiquité l'on disait lorsque quelqu'un éternuait " que Jupiter vous protège". Il semble donc bien que le salut remonte des temps aussi immémoriaux que le besoin d'éternuer, autrement dit ... à la création du monde.
L'article de mon illustre pays Théodore Jolimont vous explique que selon la tradition rabinique l’éternuement est le premier signe d'existence d'Adam. Il explique encore que les Grecs font
remonter le premier éternuement à Prométhée : ayant façonné de limon et d'argile un homme à l'image des dieux, sut animer cette statue, d'abord inerte et sans vie, en dérobant aux cieux, avec la
protection de Minerve, un rayon de soleil qu'il renferma dans un flambeau, et comment cet homme de terre, vivifié par la chaleur de ce rayon, s'anima peu à peu et bientôt éternua avec effort, en
rejetant à la face de l'audacieux Prométhée tout ce qui lui restait encore d'humidité surabondante : de quoi, celui-ci fort satisfait, s'écria, dans son enthousiasme de créateur, et en
saluant son ouvrage : - Bien : que les dieux te soient en aide.
Je m'interroge sur les salutations d'usage à ce jour où les éternuements d'autrui nous font plutôt fuir comme la peste, ou plutôt le covid 19. Peut-être un "Dieu me préserve" ? ou un "Sauve qui
peut" ?
Isabelle Lefebvre
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